À cause d’inégalités entre les sexes et de discriminations sexistes profondément ancrées, le travail des femmes migrantes est souvent sous-évalué, sous-payé, déprécié et exploité. Les femmes migrantes sont surreprésentées dans les emplois informels, y compris les services à la personne et le travail domestique, et leurs droits du travail ne sont guère ou pas protégés.
Pour les femmes migrantes en situation irrégulière, le risque de subir des atteintes à leurs droits fondamentaux et des mauvais traitements au travail est particulièrement élevé, y compris une exposition accrue à la servitude pour dettes, à la servitude domestique, au travail forcé, à l’exploitation par le travail et à la violence sexuelle et sexiste. Étant donné la forte demande de travailleuses migrantes, les États devraient développer de nouvelles voies de migration régulière qui vont au-delà des contrats de travail de courte durée. Ces dispositifs de travail temporaire sont souvent liés à un seul employeur, peuvent être caractérisés par une importante exploitation, et ne permettent pas le séjour de longue durée ou le regroupement familial.
En outre, les travailleurs migrants qui relèvent de ces systèmes n’ont pas le droit de se syndiquer et de négocier collectivement, alors que le droit à la liberté d’association, le droit d’adhérer à un syndicat et le droit de négociation collective sont indispensables pour permettre aux femmes migrantes d’accéder à un travail décent.
Les agences de recrutement peuvent, dans une large mesure, faciliter l’accès des femmes migrantes au travail décent et leur fournir des informations sur les conditions de travail et de vie dans les pays de destination. Cependant, un grand nombre d’entre elles contribuent à l’exploitation des travailleuses migrantes en facturant des frais illégaux et en fournissant des informations trompeuses. Il arrive que des travailleuses migrantes ne reçoivent pas de contrat de travail de la part de l’agent de recrutement avant leur départ, et celles qui disposent d’un contrat de travail peuvent se trouver forcées de signer, dans le pays de destination, un nouveau contrat prévoyant des conditions d’emploi moins favorables.
La ratification et la mise en œuvre des instruments relatifs à la migration internationale de la main d’œuvre, aux droits du travail et au travail décent sont cruciales pour promouvoir le recrutement équitable. La ratification de la Convention (n° 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques de 2011est essentielle pour prévenir les mauvais traitements, le harcèlement et la violence ainsi que pour promouvoir des conditions d’emploi justes et des conditions de travail décentes. Le passage de l’économie informelle à l’économie formelle permet de réduire l’exposition à des conditions de travail précaires et améliore l’accès aux mesures de protection sociale. En outre, les travailleuses migrantes doivent impérativement bénéficier des mêmes conditions d’emploi que les nationaux dans tous les secteurs d’activité, y compris le travail domestique, pour être totalement protégées par le droit du travail conformément aux normes internationales.
Mesures
Ménager des voies de migration régulières, y compris des voies qui vont au-delà des systèmes de travail temporaire, ainsi que des options permettant aux travailleuses migrantes, qualifiées ou non, d’accéder au travail décent et à la protection sociale.
Mettre en place des formations obligatoires sur l’égalité entre les sexes, les pratiques de recrutement soucieuses des sexospécificités et les droits des travailleuses migrantes à l’intention des agences de recrutement publiques et privées, des attachés du travail, des agents consulaires et d’autres parties prenantes.
Adopter des réglementations relatives aux agents de recrutement et à leur surveillance pour ce qui est du traitement juste et égal de toutes les travailleuses migrantes et l’interdiction des frais de recrutement et coûts connexes facturés aux travailleurs migrants.[DM1]
Garantir la protection sociale des travailleuses migrantes dans tous les secteurs, qu’elles travaillent dans l’économie formelle ou informelle, y compris dans le secteur du travail domestique.
Adopter des lois et politiques soucieuses des sexospécificités qui rendent obligatoire le travail décent, interdisent les discriminations sexistes, la ségrégation professionnelle, la violence et le harcèlement dans l’emploi et la profession, et garantissent aux femmes migrantes un salaire égal pour un travail de valeur égale.
Promouvoir et protéger le droit de libre association et de réunion pacifique des travailleuses migrantes, leur droit de participer à des organisations de travailleurs et travailleurs migrants et à des négociations collectives, et leur droit de constituer leurs propres organisations.
Permettre aux femmes migrantes travaillant dans l’économie informelle d’accéder à des mécanismes efficaces de signalement, de plainte et de réparation.
Mettre en place des contrats de travail types soucieux des séxospécificités, fondés sur le consentement libre et équitable, présentés dans des formats accessibles aux personnes en situation de handicap et compréhensibles pour les travailleurs, qui expliquent clairement les conditions d’emploi dans une langue que comprend le travailleur migrant.
Mettre en place une permanence téléphonique gratuite et/ou un service de messagerie gratuit sur les médias sociaux pour fournir des conseils juridiques impartiaux sur les contrats de travail et les conditions d’emploi dans le pays de destination.
Adopter des lois et politiques qui interdisent et sanctionnent les pratiques de substitution de contrat, de rétention de documents et d’isolement forcé ou d’enfermement des travailleuses migrantes dans les maisons, en particulier les travailleuses domestiques.
Poursuivre et sanctionner les recruteurs de main-d’œuvre, les intermédiaires et les agences d’emploi associés à des processus de recrutement illégaux, y compris pour les actes de violence, de coercition, de tromperie ou d’exploitation.
Tenir une base de données librement accessible à tous, qui recense les recruteurs de main‑d’œuvre, les intermédiaires et les agences d’emploi ayant fait l’objet de sanctions ou figurant sur une liste noire.
Utiliser des fichiers de contrats, transparents et en ligne, à la fois pour permettre aux travailleurs de prouver leurs accords contractuels lorsqu’ils portent plainte ou sont confrontés à une substitution de contrat, et pour permettre aux attachés du travail, aux agences de recrutement et aux administrations et ministères pertinents de surveiller les conditions d’emploi.
Ratifier et mettre en œuvre la Convention (n° 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques de 2011, et la Convention n° 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement de 2019.
Mettre en place des formations inclusives et soucieuses des sexospécificités, en collaboration avec les organisations de la société civile concernées et les organisations d’employeurs et de travailleurs, à l’intention des services d’inspection du travail, des services de police et d’autres organes compétents, afin de protéger les femmes migrantes contre les mauvais traitements.
Permettre aux femmes migrantes d’accéder à la justice pour déposer des plaintes liées au travail, notamment aux mécanismes spécifiques de plainte pour harcèlement et discrimination, afin de les aider à obtenir réparation
COVID-19 : Créer de nouvelles possibilités d’emploi en période de crise socioéconomique telle que la pandémie, par exemple à la faveur de programmes de travaux publics.
COVID-19 : Assurer l’accès universel à des mesures et services de protection sociale soucieux des sexospécificités pour tous les migrants, indépendamment de leur statut migratoire, afin de garantir un revenu de base et des allocations familiales pour ceux qui fournissent des services à la personne.
COVID-19 : Proposer un rapatriement volontaire aux femmes en situation de vulnérabilité, en particulier parce qu’elles ont perdu leur emploi à cause de la pandémie.
COVID-19 : Assurer l’accès à des conditions de travail décentes qui garantissent la santé et la sécurité au travail, une rémunération égale et un soutien approprié, y compris en matière de transport, de garde d’enfants, de services de santé et d’assurance, ainsi que d’autres aides et protections sociales pour tous les travailleurs migrants exerçant des fonctions essentielles, en particulier les travailleuses migrantes en première ligne, qui sont souvent les plus à risque.